La Garenne-Colombes : retour de Buzz

L'Union pour la Majorité Municipale tractait l'autre samedi sur le marché (voir le tract) :

NON A LA MANIPULATION ET AU MENSONGE !

D'autres (des citoyens de toutes tendances politiques confondues) distribuaient au même moment un autre tract appelant à une manifestation républicaine contre Kleber Haedens pour un nom de collège.

Mais qui ment et qui manipule ?

a) Voyons ce que disaient ceux qui s'opposent à Kleber Haedens :

Qui est Kleber Haedens ? Un écrivain né en 1913 et mort en 1976. Mais aussi :

Le secrétaire particulier de Charles Maurras, le père du nationalisme. Haedens écrivit avant et après guerre dans des périodiques franchement antisémites comme Je suis partout ou nationalistes, royalistes et fascisants comme L’Action Française, l’Insurgé, Aspects de la France, où il exprimait ouvertement des opinions antirépublicaines.

Pendant la guerre il collabora à Compagnons, une revue chargée de « diffuser l’esprit et la morale» du régime pétainiste.

Kleber Haedens n'a jamais vécu à La Garenne-Colombes.

Ce choix est celui de Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes, qui a demandé au Conseil municipal, puis au Conseil général, de « faire œuvre de mémoire » envers l’un de ses écrivains favoris, qu’il décrit comme « un esprit libre et anticonformiste ». Cette suggestion n’a été précédée d’aucune concertation préalable : ni les enseignants, ni les parents d’élèves, ni les Garennois n’ont été consultés.

Il est déjà prévu par la municipalité de distribuer le livre le plus connu de Kleber Haedens, Une Histoire de La Littérature Française, à tous les enfants entrant en sixième "afin de développer leur esprit critique". Or, il s'avère que cet ouvrage publié en 1943 était une œuvre de commande de l'éditeur René Julliard, qui voulait véhiculer les idées du Maréchal Pétain dont il était un fervent partisan.

Jean d'Ormesson dira de ce livre : «c'est un pamphlet très à droite, une œuvre de combat». Louis Aragon, plus catégorique dira : «c'est l'histoire d'écrivains fascistes ou fascisants».

Il avait été dit un peu avant et ailleurs que Kleber Haedens était " ce vieux briscard de l'Action française, figure emblématique de la Réaction entretenu dans une bulle d'alcool".

Il avait aussi été dit et écrit que Kleber Haedens avait écrit dans le Journal antisémite : Je suis partout.

Il n'y a aucun mensonge là-dedans.

Jean d'Ormesson confirmant : Kleber Haedens, c'est vrai, un écrivain d'extrême-droite, membre de l'Action Française et qui buvait beaucoup …

Pierre Assouline, l'auteur de L'épuration des intellectuels (1944-1945) mentionne dans un article de son blog littéraire que oui; Kleber Haedens a bien rédigé dans Je suis partout. Le 25 mars et le 1er juillet 1938 et le 22 mars 1940.

b) Par contre, du côté de l'UMP locale et de l'Union pour la Majorité Municipale, on affirmait peut-être un peu vite :

Kleber Haedens, résistant

NON  ! Pour Pierre Assouline, qui connaît bien le sujet, cela doit bien le (Haedens) faire rire là-haut…

A propos de "Je suis partout" Philippe Juvin criait lui au mensonge, au très très gros mensonge. Au mensonge énorme et surtout pervers. Une accusation gravissime !

Citons le blog de Philippe Juvin 

Et les opposants garennois à Kléber Haedens accusent celui-ci d’avoir écrit  dans ce “Je suis partout” qui fut ouvertement pro nazi. Cette accusation, gravissime, est-elle vraie ?

Non, c’est un très très très gros mensonge. Un mensonge énorme et surtout pervers.

KH a écrit dans le “Je suis partout”, mais AVANT la guerre. Le journal d’avant la défaite, avant Pétain, avant la collaboration, avant le virage kollabo de ce journal.

Car Je suis partout a été publié entre 1930 et 1940 avant de disparaître avec la défaite, pour reparaître à la solde de Vichy en 1941, pour devenir ouvertement pro nazi.

C’est là où l’accusation portée contre Haedens est perverse : car, si KH a bien écrit dans le journal, c’est pendant ces 10 ans, entre 1930 et 1940. A une époque où le journal ne collaborait pas, par définition ! Et il y a écrit 3 fois …

Qu'en est-il exactement ?

Cette accusation, gravissime, est-elle vraie ? se posait la question, Mr le Maire : Il semblerait que OUI, Mr le Maire !

Mais ce n'est pas une accusation mais une constatation (vérifiée et vérifiable)

Personne n'a jamais dit que Haedens avait collaboré avec les allemands. Il a toujours été dit que Haedens avait collaboré (écrit, si vous voulez) à des publications antisémites, dont la pire : Je suis partout. Comment faut-il le dire ?

La vérité : Je suis partout depuis sa création a toujours été un journal antisémite, la pire des publications antisémites !  http://fr.wikipedia.org/wiki/Je_suis_partout

L'antisémitisme du journal se déchaîne après les émeutes de février 1934, puis encore plus après l'accession de Léon Blum à la tête du gouvernement en 1936. Il rivalise de racisme avec les publications nazies à partir de 1938 avec deux numéros spéciaux : « Les Juifs » (1938) puis « Les Juifs et la France » (1939). Dans ce deuxième numéro, Lucien Rebatet est l'auteur d’un long article sur « L’Affaire Dreyfus », article dans lequel la culpabilité de Dreyfus ne fait pas alors le moindre doute pour l’écrivain. Cette radicalisation effraie la librairie Fayard qui vend le journal en 1936 à de nouveaux actionnaires, dont le riche héritier d'origine argentine Charles Lesca, qui se définit comme un « fasciste authentique autant que calme » (en 1940, Alain Laubreaux et Charles Lesca sont arrêtés sur l'ordre de Georges Mandel).

Je suis partout réclame un fascisme à la française : « On ne matera le fascisme étranger que par le fascisme français, le seul vrai fascisme. » (14 avril 1939). Il ne cache pas sa sympathie pour le Front de la liberté esquissé par Jacques Doriot avec les principaux mouvements d'extrême droite et le plus grand parti conservateur de l'époque, la Fédération républicaine.

Jusqu'en 1941, Charles Maurras ne condamne pas ses disciples. La rupture a lieu cette année-là, lorsque le journal, interdit en 1940, peu avant l'invasion allemande, reparaît et clame son collaborationnisme.

Kleber Haedens y publia 3 fois, c'est juste, Monsieur Juvin : trois fois de trop, Mr le Maire !

1. le 25 mars 1938
2. le1er juillet 1938
3. le 22 mars 1940  avec une nouvelle intitulée “Pas de chance” (selon Pierre-Marie Dioudonnat Les 700 rédacteurs de Je suis partout 1930-1944 , Sedopols, 1993).

Kleber Haedens publia donc dans Je suis partout 21 jours après la publication d'un tract appelant l'Etat français à envoyer les juifs en première ligne . Le premier décret à prendre en cas de guerre. Kleber Haedens était-il complètement idiot et ou ne savait-il pas lire ? Dans quel cas, il ne mérite pas le nom d'une école. Il savait lire ? Il mérite encore moins le nom d'une école !

" Il ne faut pas que nos juifs se débinent. Il faut qu'ils payent toute la casse, il faut qu'ils dégustent jusqu'au bout. Il faut qu'ils deviennent otages, immédiatement, d'ores et déjà, qu'ils garentissent de leus peaux cette émancipation humaine dont ils parlent toujours. On verra comment ça se goupille".

Le tract de 4 mars 1938 encarté dans Je suis partout :

Sources : La BNF, Centre Pompidou, archives Denoël, Eugen Weber, auteur de L'Action Française, Pierre Assouline, auteur de L'Épuration des intellectuels (1944-1945)

Reste à aborder le point de la manipulation. Qui a tenté de manipuler quoi ou de manipuler qui ?

1. L'information donnée avant le vote aux assemblées
2. Les outils d'information (Internet, Presse, Wikipedia,...)
3. L'opinion publique ...

Qui a fait quoi ?

L'e-lecteur, ni sot, ni privé d'esprit critique ou de liberté de penser, en jugera.