30.03.2010
Pourquoi tout le monde veut il donc sauver Zemmour ?
Par Claude Soula
Ah, cet atroce Zemmour, à force de pousser son bouchon, il a bien réussi son coup. Le voila maintenant installé dans une position unique au sein des médias français :
porte parole officiel de la droite bien-dure-sans-être-lepeniste. Star des Médias, exactement le titre qu'il cherchait à décrocher depuis que Philippe Tesson l'avait engagé au Quotidien de Paris des années 80. On ne voit pas très bien ce qui sépare le discours zemmourien du discours lepéniste, si ce n'est que la gauche a volé à son secours : même Laurent Joffrin appelle à le sauver le méchant soldat Zemmour dans son édito de Libération ce week-end, au nom de la liberté d'expression, et en le mettant sur le même plan que le sale gosse Guillon.
Les deux personnages sont pourtant très différent : l'un, Guillon, est un caricaturiste, qui pense plus avec ses tripes ou ses humeurs qu'avec un bréviaire politique. Ce n'est pas parce qu'il irrite à droite que Guillon est de gauche. Il est nulle part. Ce qui n'est pas le cas de Zemmour. Il n'est pas un caricaturiste, mais un petit penseur, qui se prend très au sérieux. Macho, réac, anti-gay, anti- beurs, anti-noir, anti-pauvres, et aussi anti-intelligence, puisque victime de son hystérie, il est incapable de réfléchir, et de comprendre que si la délinquance est plus élevée dans certaines couches de la population, ce n'est pas à cause de leur origine ethnique mais de leur état social, et aussi parce que la délinquance des riches est moins poursuivie par la loi. C'est une définition de la droite : refuser aux individus toute circonstance atténuante liée à leur origine sociale, et considérer que chacun est responsable de tout ce qu'il fait, en bien et en mal.
Zemmour tient ce discours haut et fort, mais en le caricaturant, sans qu'on sache s'il comprend les implications de ce qu'il professe ( c'est normal, on ne peut pas s'expliquer en profondeur à la télé). Mais il parle, pour le plus grand plaisir des médias qui l'emploient, qui tiennent enfin avec lui un journaliste « droitier » décomplexé, capable de tenir clairement en France un discours tenu par Rush Limbaugh aux USA.
Allons nous supporter cela ? Par nous, je parle du corps social français, qui n'a plus l'habitude d'entendre sur les médias officiels des discours extrémistes de droite depuis la dernière guerre, décidément toujours pas passée. La droite dure existe toujours, mais les médias la refoulait chez les Le Pen, jusqu'à Zemmour, qui lui, a droit à la totale : RTL, iTélé, Canal + et le service public en prime avec France2. Je ne parle pas du Figaro qui ne fait que tenir son rôle de porte parole de toutes les droites, sans que nul ne veuille le lui reprocher ( nul n'est obligé de le lire, alors que nous pouvons tous tomber sur Ardisson ou Ruquier, sans faire exprès, en zappant, et écouter donc ainsi sans le vouloir le discours zemmourien).
Dans un premier temps, après les fameuses paroles- racistes selon moi- de l'énergumène, je me suis dit que ce serait enfin l'occasion de sortir ce polémiste des grands médias, que le service public au moins, RTL sans doute, allaient être obligés de le faire taire. Que nos impôts puissent payer cet individu, voila qui est rageant. Dans un deuxième temps, j'ai constaté que ces médias tenaient bon derrière lui. Ironiquement, seul le Figaro semblait se poser des questions. Je pense que c'était du simple cynisme de leur part : Zemmour fait monter l'audience, il se vend bien en librairie, c'est un bon client en télé, donc ils ont tenté de le sauver. Jusqu'à Libération qui a donc donné sa bénédiction intellectuelle au sauvetage.
Cela s'explique : qu'on le veuille ou pas, une bonne partie de notre pays se retrouve dans les horreurs qu'il débite, et cette partie du pays, a aussi le droit de s'entendre parler, comme au café du commerce. L'exercice est déplaisant à entendre pour les autres, mais on peut avoir un espoir : que tous ceux qui votent extrême droite pour se défouler, se disent que finalement, leur discours existe aussi ailleurs, à l'intérieur de la droite traditionnelle, et qu'ils y reviennent gentiment. On peut aussi avoir une crainte: qu'en ouvrant ainsi les vannes à cette pensée nauséabonde, en la légitimant, les grands médias vont la renforcer, puis faciliter sa diffusion, comme la peste brune en d'autres temps. J'avoue ne pas savoir ce qu'il faut privilégier : l'exercice de la libre pensée, même raciste, ou la fermeture-réflexe envers ce qu'elle véhicule.
10:10 Publié dans Lecture transversale | Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note | Tags : zemmour, juvin, anticonformiste, droite, haedens
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